Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouilla de toutes choses, et ne garda rien pour lui, que l’espérance des conquêtes, ou la résolution de périr. Lorsqu’il n’avoit presque plus besoin de personne, il paya les dettes de toute l’armée. Les peintres, les sculpteurs, les musiciens, les poëtes, les philosophes (tous illustres nécessiteux), eurent part à sa magnificence, et se ressentirent de sa grandeur. Ce n’est pas que César ne fût aussi naturellement fort libéral : mais, dans le dessein de s’élever, il lui fallut gagner les personnes nécessaires ; et, à peine se vit-il maître de l’empire, qu’on le lui ôta malheureusement avec la vie.

Je ne trouve point en César de ces amitiés qu’eut Alexandre pour Éphestion, ni de ces confiances qu’il avoit en Cratérus. Les commerces de César étoient, ou des liaisons pour ses affaires, ou un procédé assez obligeant, mais beaucoup moins passionné pour ses amis. Il est vrai que sa familiarité n’avoit rien de dangereux ; et ceux qui le pratiquoient n’appréhendèrent ni sa colère, ni ses caprices. Comme Alexandre fut extrême, ou il étoit le plus charmant, ou le plus terrible : et on n’alloit jamais sûrement dans une privauté où il engageoit lui-même. Cependant, l’amitié fut sa plus grande passion, après la gloire, dont il ne faut point d’autre témoignage que le sien propre, lorsqu’il s’écria, auprès de la statue