Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/166

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lui la finesse du discernement, ou la beauté du génie. Il est temps de quitter le sien, pour venir à celui des courtisans.

Comme ils sont nourris auprès des rois, comme ils font leur séjour ordinaire auprès des princes, ils se forment un talent particulier à les bien connoître : il n’y a point d’inclination qui leur soit cachée, point d’aversion inconnue, point de faible qui ne leur soit découvert. De là viennent les insinuations, les complaisances, et toutes ces mesures délicates qui font un art de gagner les cœurs, ou de se concilier au moins les volontés : mais, soit manque d’application, soit pour tenir au-dessous d’eux les emplois où l’on s’instruit des affaires, ils les ignorent toutes également, et leurs agréments venant à manquer avec l’âge, rien ne leur apporte de la considération et du crédit.

Ils vieillissent donc dans les cabinets, exposés à la raillerie des jeunes gens, qui ne peuvent souffrir leur censure ; avec cette différence que ceux-ci d’ordinaire font les choses qui leur conviennent, et que les autres ne peuvent s’abstenir de celles qui ne leur conviennent plus ; et certes le plus honnête homme, dont personne n’a besoin, a de la peine à s’exempter du ridicule en vieillissant. Mais il en est comme de ces femmes galantes, à qui le monde plaît encore quand elles ne lui plaisent plus.