Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/175

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qu’on reçoit, le plaisir d’être flatté se paye chèrement quelquefois, par la peine qu’on se fait à flatter un autre. Mais qui veut bien se rendre approbateur, et ne se soucie pas d’être approuvé, celui-là oblige, à mon avis, doublement : il oblige de la louange qu’il donne, et de l’approbation dont il dispense. C’est un grand secret, dans la familiarité d’un commerce, de tourner les hommes, autant qu’on le peut honnêtement, à leur amour-propre. Quand on sait les rechercher à propos et leur faire trouver en eux des talents dont ils n’avoient pas l’usage, ils nous savent gré de la joie secrète qu’ils sentent de ce mérite découvert, et peuvent d’autant moins se passer de nous, qu’ils en ont besoin pour être agréablement avec eux-mêmes.

Peut-être ai-je tort de quitter des choses particulières, pour m’étendre sur des observations générales ; j’y serois plus scrupuleux, si j’avois à entretenir le public d’affaires de grande considération. Comme je ne parle qu’à moi seul sur une matière peu importante, je pratique à mon égard ce que j’ai fait à celui d’un autre ; et, ne cherchant qu’à me plaire, je suis ingénieux à tirer de mon esprit des pensées qui me contentent. Je veux donc me laisser aller à ma fantaisie, pourvu que ma fantaisie n’aille pas tout à fait à l’extravagance, car il faut éviter