Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/180

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de lui-même. S’il étoit d’humeur à se faire un vrai favori, sa familiarité vous seroit avantageuse ; mais sa bonne volonté ne pouvant être si pure qu’il n’y entre du dessein, un grand commerce lui fera découvrir tous vos foibles, avant que vous ayez trouvé le moindre des siens. Quelque dissimulation qu’un homme de votre âge puisse avoir, ce ne lui est pas un petit malheur d’avoir à souffrir les observations d’un vieux ministre, supérieur par l’avantage du poste et par celui de l’expérience. Croyez-moi, monsieur, il est dangereux de voir trop souvent un habile homme, quand la différence et souvent la contrariété des intérêts ne permet pas de s’y fier. Si cette maxime peut être reçue chez les autres nations, elle est comme infaillible dans la nôtre, où la pénétration pour découvrir va plus loin que la dissimulation pour se cacher. Ne présumez donc pas de pouvoir combattre M. le cardinal par son art, ni de faire contester vos finesses avec les siennes. Contentez-vous de ménager vos agréments avec beaucoup de conduite, et laissez agir son inclination. L’inclination est un mouvement agréable qui nous est d’autant plus cher qu’il nous semble purement nôtre. Il naît dans le fond de nos tendresses et s’y entretient mollement avec plaisir : en quoi il diffère de l’estime, laquelle est reçue comme une chose étrangère,