Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/211

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son âme aux funestes pensées de la mort ; c’est une continuation du train ordinaire de sa vie, jusqu’au dernier moment6.

Mais si les anciens ont eu tant de délicatesse à marquer ces différences, il n’y a pas moins d’art dans le style de leurs éloges pour attacher notre discernement à les connoître. Dans leurs narrations, ils nous engagent à les suivre par la liaison insensible d’un récit agréable et naturel. Ils entraînent notre esprit, dans leurs harangues, par la véhémence du discours ; de peur que, s’il demeuroit dans son assiette, il n’examinât le peu de bon sens qu’il y a dans les exagérations de l’éloquence, et n’eût le loisir de former des oppositions secrètes à la persuasion. Ils apportent quelquefois, dans un conseil, raisons sur raisons, pour déterminer les âmes les plus irrésolues au parti qu’elles doivent prendre : mais dans les éloges, où il faut discerner les vices d’avec les vertus, où il faut démêler les diversités qui se rencontrent dans un naturel, où il faut non-seulement distinguer les qualités différentes, mais les différences dont chaque qualité est marquée ; on ne doit pas se servir d’un style qui nous engage, ou qui nous entraîne, ni de raisonnements suivis qui assu-


6. Voy. le Jugement sur Sénèque, Plutarque et Pétrone, dans ce volume, troisième partie.