Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/226

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à la cour. On n’osoit demeurer dans la ville, on n’osoit s’en éloigner : ne voyant aucun lieu où l’on put être un peu sûrement. Toute la ressource étoit en M. de Turenne, qui se trouvoit dans un aussi grand embarras. Jamais, a-t-il dit depuis, il ne s’est présenté tant de choses affreuses à l’imagination d’un homme, qu’il s’en présenta à la mienne. Il n’y avait pas longtemps que j’étais raccommodé avec la cour, et qu’on m’avait donné le commandement de l’armée, qui en devait faire la sûreté. Pour peu qu’on ait de considération et de mérite, on a des ennemis et des envieux : j’en avais qui disoient partout que j’avois conservé une liaison secrète avec Monsieur le Prince. M. le cardinal ne le croyait pas ; mais au premier malheur qui me fût arrivé, peut-être auroit-il eu le même soupçon qu’avaient les autres. De plus, je connoissois M. d’Hocquincourt, qui ne manquerait pas de dire que je l’avais exposé et ne l’avais point secouru3. Toutes ces pensées étaient affligeantes ; et le plus grand mal, c’est que Monsieur le Prince venait à moi le plus fort, et victorieux.

Dans ce méchant état, que M. de Turenne a dépeint lui-même, il rassembla ses quartiers le mieux qu’il put, et marcha, plus par conjec-



3. Voyez, en effet, notre tome I, page 46.