Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/236

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travaille à ruiner l’armée des ennemis, il songe à la conservation de la sienne.

Monsieur le Prince, fier dans le commandement, également craint et estimé ; M. de Turenne plus indulgent et moins obéi par l’autorité qu’il se donne, que par la vénération qu’on a pour lui.

Monsieur le Prince plus agréable à qui sait lui plaire, plus fâcheux à qui lui déplaît ; plus sévère quand on manque, plus touché quand on a bien fait. M. de Turenne plus concerté, excuse les fautes sous le nom de malheurs, et réduit souvent le plus grand mérite à la simple louange de faire bien son devoir. Satisfait du service qu’on lui rend, il ne l’est pas toujours de l’éclat qu’on se donne ; et faisant valoir avec plaisir les plus soumis, il regarde avec chagrin les industrieux, qui cherchent leur réputation sous lui, et leur élévation par les ministres.

Monsieur le Prince s’anime avec ardeur aux grandes choses, jouit de sa gloire sans vanité, reçoit la flatterie avec dégoût. S’il prend plaisir qu’on le loue, ce n’est pas la louange de ses actions, c’est la délicatesse de la louange qui lui fait sentir quelque douceur. M. de Turenne va naturellement aux grandes et aux petites choses, selon le rapport qu’elles ont à son dessein : rien ne l’élève dans les bons succès, rien ne l’abat dans les mauvais.