Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mentir, il faut bien que c’ait été un des plus honnêtes hommes du monde, puisqu’il a obligé un historien si sévère de renoncer à son naturel, et de s’étendre avec plaisir sur les louanges d’un voluptueux. Ce n’est pas qu’une volupté si exquise n’allât autant à la délicatesse de l’esprit qu’à celle du goût. Cet erudito luxu, cet arbiter elegantiarum7, est le caractère d’une politesse ingénieuse, fort éloignée des sentiments grossiers d’un vicieux : aussi n’étoit-il pas si possédé de ses plaisirs, qu’il fût devenu incapable des affaires. La douceur de sa vie ne l’avoit pas rendu ennemi des occupations. Il eut le mérite d’un gouverneur, dans son gouvernement de Bithynie ; la vertu d’un consul, dans son consulat. Mais, au lieu d’assujettir sa vie à sa dignité, comme font la plupart des hommes, et de rapporter là tous ses chagrins et toutes ses joies, Pétrone, d’un esprit supérieur à ses charges, les ramenoit à lui-même ; et pour m’expliquer à la façon de Montaigne, il ne renoncoit pas à l’homme en faveur du magistrat. Pour sa mort, après l’avoir bien examinée, ou je me trompe, ou


Évremond a cru que le Pétrone, dont Tacite parle ici, est l’auteur du Satyricon ; mais l’identité n’est pas démontrée, et de très-bons critiques en ont nié la vraisemblance. Voy. l’article Pétrone, de la Biogr. univers.

7. Expressions de Tacite, loc. cit.