Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/304

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dération des historiens, et les obligent à nous en laisser une peinture. Le poëte, qui pouvoit ajouter à la vérité des choses, ou les parer du moins de tous les ornements de la poésie, au lieu d’en employer les couleurs et les figures à les embellir, a retranché beaucoup de leur beauté ; et, soit que le scrupule d’en dire trop ne lui en laisse pas dire assez, soit par sécheresse et stérilité, il demeure beaucoup au-dessous du véritable. Il pouvoit entrer dans l’intérieur, et tirer du fond de ces grandes âmes, comme fait Corneille, leurs plus secrets mouvements ; mais il regarde à peine les simples dehors, peu curieux à bien remarquer ce qui paroît, moins profond à pénétrer ce qui se cache.

J’aurois souhaité que le fort de la pièce eût été à nous représenter ces grands hommes, et que, dans une scène digne de la magnificence du sujet, on eût fait aller la grandeur de leurs âmes jusqu’où elle pourroit aller. Si la conversation de Sertorius et de Pompée3 a tellement rempli nos esprits, que ne devoit-on pas espérer de celle de Porus et d’Alexandre, sur un sujet si peu commun ? J’aurois voulu encore que l’auteur nous eût donné une plus grande idée de cette guerre. En effet, ce passage de l’Hy-


3. Voyez le Sertorius de Corneille, act. III, sc. i.