Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/361

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laisser plus de choses à la vertu du héros ; car si le héros est trop confiant, qui au mépris des dieux veut tout fonder sur lui-même, le dieu est trop secourable, qui pour faire tout, anéantit le mérite du héros.

Personne n’a mieux entendu que Longin cette économie délicate de l’assistance du ciel et de la vertu des grands hommes. « Ajax, dit-il, se trouvant dans un combat de nuit effroyable, ne demande pas à Jupiter qu’il le sauve du danger où il se rencontre : cela seroit indigne de lui ; il ne demande pas qu’il lui donne des forces surnaturelles pour vaincre avec sûreté : il auroit trop peu de part à la victoire ; il demande seulement de la lumière, afin de pouvoir discerner les ennemis, et exercer contre eux sa propre vaillance : Da lucem ut videam[1]. »

Le plus grand défaut de la Pharsale, c’est de n’être proprement qu’une histoire en vers, où des hommes illustres font presque tout, par des moyens purement humains. Pétrone[2] l’en blâme avec raison, et remarque judicieusement que : per ambages, Deorumque ministeria, et fabulosum sententiarum tormentum, præcipitandus est liber spiritus, ut potius furentis animi vaticinatio appareat, quam religiosæ

  1. Longin, Traité du sublime, chap. viii.
  2. Satyr., cap. cxviii.