Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/397

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musique soit faite pour les vers, bien plus que les vers pour la musique. C’est au musicien a suivre l’ordre du poëte, dont Lulli seul doit être exempt, pour connoître les passions et aller plus avant dans le cœur de l’homme que les auteurs. Cambert4 a sans doute un fort beau génie, propre à cent musiques différentes, et toutes bien ménagées, avec une juste économie des voix et des instruments. Il n’y a point de récitatif mieux entendu ni mieux varié que le sien ; mais, pour la nature des passions, pour la qualité des sentiments qu’il faut exprimer, il doit recevoir des auteurs les lu-


4. Après que Luigi s’en fut retourné en Italie, Cambert, organiste de l’église, aujourd’huy démolie, de Saint-Honoré, composa un petit opéra françois, qui fut joué à Issy (1659), et où tout le monde courut. Ce succès fut suivi d’un autre, et plus tard il obtint avec l’abbé Perrin le privilège de l’Académie royale de musique, créée en 1669, où il fit représenter Pomone (1671), les Peines et les plaisirs de l’amour, et Ariane. L’abbé Perrin avoit donné les vers pour Pomone et Ariane, et on les trouva détestables. Gilbert fit les vers du troisième opéra, et le marquis de Sourdillac inventa toutes les machines. On n’avoit pas encore représenté l’Ariane, lorsque madame de Montespan fit ôter l’Opéra à Cambert, pour le donner à Lulli ; de quoi Cambert inconsolable se résolut à passer en Angleterre, où, par le crédit de Saint-Évremond, il obtint la maîtrise de la musique particulière du roi Charles II. Mais il ne garda pas longtemps cet emploi et mourut en 1677. Il vivoit encore, quand Saint-Évremond écrivit ces lignes.