Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

machines, ce qui arrive presque toujours aux Allemands, sur nos modes. Nous venons de prendre ce que les Italiens abandonnent ; et, comme si nous voulions réparer la faute d’avoir été prévenus dans l’invention, nous poussons, jusques à l’excès, un usage qu’ils avoient introduit mal à propos, mais qu’ils ont ménagé avec retenue. En effet, nous couvrons la terre de divinités, et les faisons danser par troupes, au lieu qu’ils les faisoient descendre, avec quelque sorte de ménagement, aux occasions les plus importantes. Comme l’Arioste avoit outré le merveilleux des poëmes, par le fabuleux incroyable, nous outrons le fabuleux des Opéras par un assemblage confus de dieux, de bergers, de héros, d’enchanteurs, de fantômes, de furies, de démons. J’admire Lulli, aussi bien pour la direction des danses, qu’en ce qui touche les voix et les instruments ; mais la constitution de nos Opéras doit paroître bien extravagante à ceux qui ont le bon goût du vraisemblable et du merveilleux.

Cependant on court hasard de se décrier par ce bon goût, si on ose le faire paroître ; et je conseille aux autres, quand on parle devant eux de l’Opéra, de se faire à eux-mêmes un secret de leurs lumières. Pour moi, qui ai passé l’âge et le temps de me signaler dans le monde, par l’esprit des modes et par le mérite