Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/433

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guerre ; nul fruit de la guerre. Vainqueur en Italie, vainqueur en Sicile, en Macédoine, vainqueur partout, nulle part bien établi ; sa fantaisie prévalant sur sa raison, par de nouveaux desseins chimériques qui l’empêchoient de tirer aucun avantage des bons succès.

On parle de Catilina, comme d’un homme détestable : on eût dit la même chose de César, s’il avoit été aussi malheureux, dans son entreprise, que Catilina le fut dans la sienne. Il est certain que Catilina avoit d’aussi grandes qualités que nul autre des Romains ; la naissance, la bonne mine, le courage, la force du corps, la vigueur de l’esprit : nobili genere natus, magna vi et animi et corporis, etc. Il fut lieutenant de Sylla, comme Pompée ; d’une maison beaucoup plus illustre que ce dernier, mais de moindre autorité dans le parti. Après la mort de Sylla, il aspira aux emplois que l’autre sut obtenir ; et, si rien n’étoit trop grand pour le crédit de Pompée, rien n’étoit assez élevé pour l’ambition de Catilina. L’impossible ne lui paroissoit qu’extraordinaire, l’extraordinaire lui sembloit commun et facile : Vastus animus immoderata, incredibilia, nimis alta cupiebat11.

Et par là vous voyez le rapport qu’il y a d’un esprit vaste aux choses démesurées. Les gens de bien condamnent son crime, les poli-


11. Salluste, Catil., § V.