Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/474

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d’étendue à notre vanité, que la nature n’en a voulu donner à notre vie ; si tous les vivants peuvent se destiner le lieu où ils doivent être, lorsqu’ils ne vivront plus ; si Charles-Quint a fait faire ses funérailles, et a bien voulu assister à son service, deux ans durant ; trouverez-vous étrange, messieurs, qu’une beauté plus illustre par ses charmes, que ce grand empereur par ses conquêtes, veuille jouir du bonheur de sa mémoire, et entendre pendant sa vie ce qu’on pourroit dire d’elle après sa mort ? Que les autres tâchent d’exciter vos regrets pour quelque morte, je veux attirer vos larmes pour une mortelle ; pour une personne qui mourra un jour, par le malheur nécessaire de la condition humaine, et qui devroit toujours vivre par l’avantage de ses merveilleuses qualités.

Pleurez, messieurs, n’attendant pas à regretter un bien perdu ; donnez vos pleurs à la funeste pensée qu’il le faudra perdre : pleurez, pleurez. Quiconque attend un malheur certain, peut déjà se dire malheureux : Hortense mourra ; cette merveille du monde mourra un jour : l’idée d’un si grand mal mérite vos larmes.

Vous y viendrez à ce triste passage,
Hortense, hélas ! vous y viendrez un jour ;
Et perdrez là ce beau visage
Qu’on ne vit jamais sans amour.