Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/492

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assez tôt ; on ne se retire jamais assez tard : on se couche avec le regret de l’avoir quittée, et on se lève avec le désir de la revoir.

Mais quelle est l’incertitude de la condition humaine ! Dans le temps qu’elle jouissoit innocemment de tous les plaisirs que l’inclination recherche, et que la raison ne défend pas ; qu’elle goûtoit la douceur de se voir aimée et estimée de tout le monde ; que celles qui s’étoient opposées à son établissement, se trouvoient charmées de son commerce ; qu’elle avoit comme éteint l’amour propre dans l’âme de ses amies, chacune ayant pour elle les sentiments qu’il est naturel d’avoir pour soi : dans le temps que les plus vaines et les plus amoureuses d’elles-mêmes ne disputoient rien à sa beauté ; que l’envie se cachoit au fond des cœurs ; que tout chagrin contre elle étoit secret ou trouvé ridicule, dès qu’il commencoit à paroître : dans ce temps heureux, une maladie extraordinaire la surprend, et nous avons été sur le point de la perdre, malgré tous ses charmes, malgré toute notre admiration et notre amour. Vous périssiez, Hortense, et nous périssions : vous, de la violence de vos douleurs ; nous, de celle de notre affliction. Mais c’étoit bien plus que s’affliger : c’étoit sentir tout ce que vous sentiez : c’étoit être malade comme vous. Des inégalités bizarres vous approchoient tantôt