Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/501

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lion, qui ne donne pas des idées assez différentes.

Quelquefois les comparaisons nous tirent des objets qui nous occupent le plus, par la vaine image d’un autre objet, qui fait mal à propos une diversion. Je m’attache à considérer deux armées, qui vont se choquer, et je prends l’esprit d’un homme de guerre, pour observer la contenance, l’ordre, la disposition des troupes : tout d’un coup, on me transporte au bord d’une mer que les vents agitent, et je suis plus prêt de voir des vaisseaux brisés, que des bataillons rompus. Ces vastes pensées que la mer me donne, effacent les autres. On me représente une montagne tout en feu et une forêt toute embrasée. Où ne va point l’idée d’un embrasement ? Si je n’étois bien maître de mon esprit, on me conduiroit insensiblement à l’imagination de la fin du monde. De cet embrasement si affreux, on me fait passer à un éclat terrible de nues enfermées dans un vallon ; et, à force de diversions, on me détourne tellement de la première image qui m’attachoit, que je perds entièrement celle du combat.

Nous croyons embellir les objets, en les comparant à des êtres éternels, immenses, infinis ; et nous les étouffons, au lieu de les relever. Dire qu’une femme est aussi belle que Mme Mazarin, c’est la louer mieux que si on la com-