Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/507

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la mer, comme cette trahison l’y fit tomber, et l’y fit périr.

Il n’y a pas un des dieux, en ces poëmes, qui ne cause aux hommes les plus grands malheurs, ou ne leur inspire les plus grands forfaits. Il n’y a rien de si condamnable ici-bas, qui ne s’exécute par leur ordre, ou ne s’autorise par leur exemple ; et c’est une des choses qui a le plus contribué à former la secte des épicuriens, et à la maintenir. Épicure, Lucrèce, Pétrone, ont mieux aimé faire des dieux oisifs, qui jouissent de leur nature immortelle, dans un bienheureux repos, que de les voir agissant et funestement occupés à la ruine de la nôtre. Épicure même a prétendu s’en faire un mérite de sainteté, envers les dieux ; et de là est venue cette sentence, que Bacon a tant admirée : Non Deos vulgi negare profanum, sed vulgi opiniones Diis applicare profanum[1].

Or je ne dis pas qu’il faille rejeter les dieux de nos ouvrages, moins encore de ceux de la poésie, où ils semblent entrer plus naturellement que dans les autres :

Ab Jove principium musæ.
  1. Diogène Laërce nous a conservé ce mot d’Épicure. M. de Saint-Évremond se sert ici de la traduction de Bacon (Serm. Fidel., cap. xvi) ; mais en voici une plus littérale : Impius est, non is qui multitudinis Deos tollit ; sed is qui multitudinis opiniones Diis adhibet. Diog. Laërt. Liv. X, § 123. (Des Maizeaux.)