Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/67

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semblent de vrais fanatiques ; mais ces gens-ci me paroissent fort sensés, dans la passion qu’ils ont eue pour une république reconnoissante, qui avoit autant de soin d’eux, pour le moins, qu’ils en avoient d’elle.

Je me représente Rome, en ce temps-là, comme une vraie communauté où chacun se désapproprie, pour trouver un autre bien, dans celui de l’ordre : mais cet esprit-là ne subsiste guère que dans les petits États. On méprise, dans les grands, toute apparence de pauvreté ; et c’est beaucoup, quand on n’y approuve pas le mauvais usage des richesses. Si Fabricius avoit vécu dans la grandeur de la république, ou il auroit changé de mœurs, ou il auroit été inutile à sa patrie ; et, si les gens de bien des derniers temps avoient été de celui de Fabricius, ou ils eussent rendu leur probité plus rigide, ou ils auraient été chassés du sénat, comme des citoyens corrompus.

Après avoir parlé des Romains, il est raisonnable de parler de Pyrrhus, qui entre ici naturellement, en tant de choses. Ç’a été le plus grand capitaine de son temps, au jugement même d’Annibal, qui le mettoit immédiatement après Alexandre, et devant lui, comme il me paroît, par modestie. Il avoit joint la délicatesse des négociations à la science de la guerre ; mais, avec cela, il ne put jamais