Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/68

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se faire un établissement solide. S’il savoit gagner des combats, il perdoit le fruit de la guerre ; s’il attiroit des peuples à son alliance, il ne savoit pas les y maintenir. Ses deux beaux talents, employés hors de saison, ruinoient l’ouvrage l’un de l’autre.

Quand il avoit éprouvé ses forces heureusement, il songeoit aussitôt à négocier, et, comme s’il eût été d’intelligence avec les ennemis, il arrêtoit ses progrès lui-même. Avoit-il su gagner l’affection d’un peuple ? sa première pensée étoit de l’assujettir. Il arrivoit de là qu’il perdoit ses amis, sans gagner ses ennemis ; car les vaincus prenoient l’esprit de vainqueurs, et refusoient la paix qu’on leur offroit ; et ceux-là retiroient non-seulement leur assistance, mais cherchoient à se défaire d’un allié qui se faisoit sentir un vrai maître.

Un procédé si extraordinaire doit s’attribuer en partie au naturel de Pyrrhus, en partie aux différents intérêts de ses ministres. Il y avoit auprès de lui deux personnes, entre les autres, dont il prenoit ordinairement les avis : Cynéas et Milon. Cynéas, éloquent, spirituel, habile, délicat dans les négociations, insinuoit les pensées du repos, toutes les fois qu’il s’agissoit de la guerre ; et, quand l’humeur ambitieuse de Pyrrhus l’avoit emporté sur ses raisons, il attendoit patiemment les difficultés : ou,