Page:Œuvres mêlées 1865 Tome II.djvu/83

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différence entre combattre et perdre un combat ; de sorte qu’il ne songeoit qu’à rassurer l’armée ; et, perdant l’espérance de pouvoir vaincre, il croyoit agir assez sagement et assez faire, que de s’empêcher d’être vaincu.

Marcus Minutius fut le général de la cavalerie : violent, précipité, vain en discours, aussi audacieux par son ignorance que par son courage. Celui-ci mettoit l’intérêt de l’État dans la réputation des affaires ; et pensoit que la république ne pourroit subsister, si elle n’effaçoit la honte des défaites passées, par quelque chose de glorieux. Il vouloit de la hauteur, où il falloit de la sagesse ; de la gloire, où il étoit question du salut.

Annibal ne fut pas longtemps sans connoître ces différentes humeurs, par le rapport qu’on lui en fit et par ses propres observations ; car il présenta la bataille plusieurs jours de suite à Fabius, qui, bien loin de l’accepter, ne laissoit pas sortir un seul homme de son camp. Minutius, au contraire, prenoit pour autant d’affronts les bravades artificieuses des ennemis, et faisoit passer le dictateur pour un homme foible, ou insensible à la honte des Romains.

Annibal, averti de ces discours, tâchoit d’augmenter l’opinion de crainte et de foiblesse qu’on attribuoit à Fabius. Il brûloit devant lui le plus beau pays d’Italie, pour l’attirer au