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Leibniz au Landgrave.

30 avril 1687.
Monseigneur,

J’espère que V. A. S. aura le livre qui était demeuré en arrière si longtemps, et que j’ai été chercher moi-même à Wolfenbutel afin de le lui faire ravoir, puisqu’elle s’en prenait à moi.

J’avais pris la liberté d’y ajouter une lettre et quelques pièces pour M. Arnauld. Et j’ai quelque espérance que, lorsqu’il les aura lues, sa pénétration et sa sincérité lui feront peut-être approuver entièrement ce qui lui était paru étrange au commencement. Car, puisqu’il s’est radouci après avoir vu mon premier éclaircissement, il viendra peut-être jusqu’à l’approbation après avoir vu le dernier qui, à mon avis, lève nettement les difficultés qu’il témoignait lui faire encore de la peine. Quoi qu’il en soit, je serai content s’il juge au moins que ces sentiments, quand ils seraient même très faux, n’ont rien qui soit directement contraire aux définitions de l’Église et par conséquent sont tolérables, même dans un catholique romain ; car V. A. S. sait, mieux que je ne lui saurais dire, qu’il y a des erreurs tolérables, et même qu’il y a des erreurs dont on croit que les conséquences détruisent les articles de foi, et néanmoins on ne condamne pas ces erreurs, ni celui qui les tient, parce qu’il n’approuve par ces conséquences ; par exemple, les Thomistes tiennent que l’hypothèse des Molinistes détruit la perfection de Dieu, et, à l’encontre, les Molinistes s’imaginent que la prédétermination des premiers détruit la liberté humaine. Cependant l’Église n’ayant rien encore déterminé là-dessus, ni les uns ni les autres ne sauraient passer pour hérétiques, ni leur opinion pour des hérésies. Je crois qu’on peut dire la même chose de mes propositions, et je souhaiterais, pour bien des raisons, d’apprendre si M. Arnauld ne le reconnaît pas maintenant lui-même. Il est fort occupé, et son temps est trop précieux pour que je prétende qu’il le doive employer à la discussion de la matière même touchant la vérité ou fausseté de l’opinion. Mais il est aisé à lui de juger de la tolérabilité, puisqu’il ne s’agit que de savoir si elles sont contraires à quelques définitions de l’Église.

Leibniz à Arnauld.

J’ai appris avec beaucoup de joie que S. A. S. Mgr le Landgrave Ernest vous a vu jouir de bonne santé. Je souhaite de tout mon