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nouveaux essais sur l’entendement

qu’il y a entre les plantes et les animaux ; et s’il y a une âme végétale, comme c’est l’opinion commune, il faut qu’elle ait la perception. Cependant je ne laisse pas d’attribuer au mécanisme tout ce qui se fait dans le corps des plantes et des animaux, excepté leur première formation. Ainsi je demeure d’accord que le mouvement de la plante qu’on appelle sensitive vient du mécanisme, et je n’approuve point qu’on ait recours à l’âme lorsqu’il s’agit d’expliquer le détail des phénomènes des plantes et des animaux.

§ 14. Ph. Il est vrai que moi-même je ne saurais m’empêcher de croire que, même dans ces sortes d’animaux, qui sont comme les huîtres et les moules, il n’y ait quelque faible perception ; car des sensations vives ne feraient qu’incommoder un animal, qui est contraint de demeurer toujours dans le lieu où le hasard l’a placé, où il est arrosé d’eau froide ou chaude, nette ou sale, selon qu’elle vient à lui.

Th. Fort bien, et je crois qu’on peut en dire presque autant des plantes ; mais, quant à l’homme, ses perceptions sont accomagnées de la puissance de réfléchir, qui passe à l’acte lorsqu’il y a de quoi. Mais, lorsqu’il est réduit à un état où il est comme dans une léthargie et presque sans sentiment, la réflexion et l’aperception cessent, et on ne pense point à des vérités universelles. Cependant les facultés et les dispositions innées et acquises, et même les impressions qu’on reçoit dans cet état de confusion ne cessent point pour cela et ne sont point effacées, quoiqu’on les oublie ; elles auront même leur tour pour contribuer un jour à quelque effet notable, car rien n’est inutile dans la nature, toute confusion doit se développer, les animaux mêmes, parvenus à un état de stupidité, doivent retourner un jour à des perceptions plus relevées, et, puisque les substances simples durent toujours, il ne faut point juger de l’éternité par quelques années.

Chap. X. — De la rétention.

§ l, 2. Ph. L’autre faculté de l’esprit, par laquelle il avance plus vers la connaissance des choses que par la simple perception, c’est ce que je nomme rétention, qui conserve les connaissances reçues par les sens ou par la réflexion. La rétention se fait en deux manières, en conservant actuellement l’idée présente, ce que j’appelle