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des idées

ples, qu’il reçoit selon que la sensation et la réflexion les lui présente. Mais il agit souvent par lui-même à l’égard des modes mixtes, car il peut combiner les idées simples en faisant des idées complexes sans considérer si elles existent ainsi réunies dans la nature. C’est pourquoi on donne à ces sortes d’idées le nom de notion.

Th. Mais la réflexion, qui fait penser aux idées simples, est souvent volontaire aussi, et de plus les combinaisons, que la nature n’a point faites, se peuvent faire en nous, comme d’elles-mêmes dans les songes et les rêveries ; par la seule mémoire, sans que l’esprit y agisse plus que dans les idées simples. Pour ce qui est du mot notion, plusieurs l’appliquent à toutes sortes d’idées ou conceptions, aux originales aussi bien qu’aux dérivées.

§ 4. Ph. La marque de plusieurs idées dans une seule combinée est le nom.

Th. Cela s’entend, si elles peuvent être combinées, en quoi on manque souvent.

Ph. Le crime de tuer un vieillard n’ayant point de nom comme le parricide, on ne regarde pas le premier comme une idée complexe.

Th. La raison qui fait que le meurtre d’un vieillard n’a point de nom est que les lois n’y ayant point attaché une punition particulière, ce nom serait peu utile. Cependant les idées ne dépendent point des noms. Un auteur moraliste qui en inventerait un pour le crime et en traiterait dans un chapitre exprès de la Gérontophonie, montrant ce qu’on doit aux vieillards, et combien c’est une action barbare de ne les point épargner, ne nous donnerait point une nouvelle idée pour cela.

§ 6. Ph. Il est toujours vrai que les mœurs et les usages d’une nation, faisant des combinaisons qui lui sont familières, cela fait que chaque langue a des termes particuliers, et qu’on ne saurait toujours faire des traductions met à mot. Ainsi l’ostracisme parmi les Grecs et la prescription parmi les Romains étaient des mots que les autres langues ne peuvent exprimer par des mots équivalents. C’est pourquoi le changement des coutumes fait aussi des nouveaux mots.

Th. Le hasard y a aussi sa part, car les Français se servent des chevaux autant que d’autres peuples voisins : cependant, ayant abandonné leur vieux mot, qui répondait au cavalcar des Italiens, ils sont réduits à dire par périphrase : aller à cheval.