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des mots

trième c’est comme si l’on disait : tous les animaux ont du sentiment, il suffit de considérer cela seulement et il n’en faut pas davantage. Le chien est un animal, donc il a du sentiment. Ainsi tous ces exemples marquent des bornes, et un non plus ultrà, soit dans les choses, soit dans le discours. Aussi but est une fin, un terme de la carrière ; comme si l’on se disait : arrêtons-nous, nous y voilà, nous sommes arrivés à notre but. But, bute, est un vieux mot teutonique, qui signifie quelque chose de fixe, une demeure. Beuten (mot suranué qui se trouve encore dans quelques chansons d’église) est demeurer. Le mais a son origine du magis, comme si quelqu’un voulait dire : quant au surplus, il faut le laisser ; ce qui est autant que de dire : il n’en faut pas davantage, c’est assez, venons à autre chose, ou, c’est autre chose. Mais, comme l’usage des langues varie d’une étrange manière, il faudrait entrer bien avant dans le détail des exemples pour régler assez les significations des particules. En français on évite le double mais par un cependant ; et on dirait : vous priez, cependant ce n’est pas pour obtenir la vérité, mais pour être confirmé dans votre opinion. Le sed des Latins était souvent exprimé autrefois par ains, qui est l’anzi des Italiens, et les Français l’ayant réformé ont privé leur langue d’une expression avantageuse. Par exemple : « ll n’y avait rien de sûr, cependant on était persuadé de ce que je vous ai mandé, parce qu’on aime à croire ce qu’on souhaite ; mais il s’est trouvé que ce n’était pas cela ; ains plutôt, etc. »

§ 6. Ph. Mon dessein a été de ne toucher cette matière que fort légèrement. J’ajouterai que souvent des particules renferment ou constamment ou dans une certaine construction le sens d’une proposition entière.

Th. Mais, quand c’est un sens complet, je crois que c’est par une manière d’ellipse ; autrement ce sont les seules interjections, à mon avis, qui peuvent subsister par elles-mêmes et disent tout dans un mot, comme ah ! oimé ! Car quand on dit mais, sans ajouter autre chose, c’est une ellipse comme pour dire : mais attendons le boiteux et ne nous flattons pas mal à propos. Il y a quelque chose d’approchant pour cela dans le nisi des Latins, si nisi non esset, s’il n’y avait point de mais. Au reste je n’aurai point été fâché, Monsieur, que vous fussiez entré un peu plus avant dans le détail des tours de l’esprit qui paraissent à merveille dans l’usage des particules. Mais, puisque nous avons sujet de nous hâter pour achever cette