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nouveaux essais sur l’entendement

nous y avons remarquées. Il serait ridicule de tenter la réforme des langues, et de vouloir obliger les hommes à ne parler qu’à mesure qu’ils ont de la connaissance. § 3 Mais ce n’est pas trop de prétendre que les philosophes parlent exactement, lorsqu’il s’agit d’une sérieuse recherche de la vérité : sans cela tout sera plein d’erreurs, d’opiniâtretés et de disputes vaines. § 8. Le premier remède est de ne se servir d’aucun mot sans y attacher une idée, au lieu qu’on emploie souvent des mots comme instinct, sympathie, antipathie, sans y attacher aucun sens.

Th. La règle est bonne ; mais je ne sais si les exemples sont convenables. Il semble que tout le monde entend par l’instinct, une inclination d’un animal à ce qui lui est convenable, sans qu’il en conçoive pour cela la raison ; et les hommes mêmes devraient moins négliger ces instincts qui se découvrent encore en eux, quoique leur manière de vivre artificielle les ait presque effacés dans la plupart. Le médecin de soi-même l’a bien remarqué. La sympathie ou antipathie signifie ce qui, dans les corps destitués de sentiment, répond à l’instinct de s’unir ou de séparer qui se trouve dans les animaux. Et, quoiqu’on n’ait point l’intelligence de la cause de ces inclinations ou tendances, qui serait à souhaiter, on en a pourtant une notion suffisante, pour en discourir intelligiblement.

§ 6. Ph. Le second remède est que les idées des noms des modes soient au moins déterminées et, § 10, que les idées des noms des substances soient de plus conformes à ce qui existe. Si quelqu’un dit que la justice est une conduite conforme à la loi à l’égard du bien d’autrui, cette idée n’est pas assez déterminée, quand on n’a aucune idée distincte de ce qu’on appelle loi.

Th. On pourrait dire ici que la loi est un précepte de la sagesse, ou de la science de la félicité.

§ 11. Ph. Le troisième remède est d’employer des termes conformément à l’usage reçu, autant qu’il est possible. § 12. Le quatrième est de déclarer en quel sens on prend les mots, soit qu’on en fasse de nouveaux, ou qu’on emploie les vieux dans un nouveau sens ; soit que l’on trouve que l’usage n’ait pas assez fixé la signification. § 13. Mais il y a de la différence. § 14. Les mots des idées simples qui ne sauraient être définies sont expliqués par des mots synonymes, quand ils sont plus connus, ou en montrant la chose. C’est par ces moyens qu’on peut faire comprendre à un paysan ce que c’est que la couleur feuille morte, en lui disant que c’est celle des