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de la connaissance

axiome : « que tout raisonnement vient des choses déjà connues et déjà accordées » (ex præcognitis et præconcessis). Mais nous aurons occasion de parler du faux qu’il y a dans cet axiome, lorsque nous parlerons des maximes qu’on prend mal à propos pour les fondements de nos raisonnements.

Th. Je serais curieux d’apprendre quel faux vous pourrez trouver dans un axiome qui paraît si raisonnable. S’il fallait toujours tout réduire aux connaissances intuitives, les démonstrations seraient souvent d’une prolixité insupportable. C’est pourquoi les mathématiciens ont eu l’adresse de partager les difficultés, et de démontrer à part des propositions intervenantes. Et il y a de l’art encore en cela ; car, comme les vérités moyennes (qu’on appelle des Lemmes, lorsqu’elles paraissent être hors d’œuvre) se peuvent assigner de plusieurs façons, il est bon, pour aider la compréhension et la mémoire, d’en choisir qui abrégent beaucoup, et qui paraissent mémorables et dignes par elles-mêmes d’être démontrées. Mais il y a un autre empêchement, c’est qu’il n’est pas aisé de démontrer tous les axiomes, et de réduire entièrement les démonstrations aux connaissances intuitives. Et, si on avait voulu attendre cela, peut-être que nous n’aurions pas encore la science de la géométrie. Mais c’est de quoi nous avons déjà parlé dans nos premières conversations et nous aurons occasion d’en dire davantage.

§ 9. Ph. Nous y viendrons tantôt : maintenant je remarquerai encore ce que j’ai déjà touché plus d’une fois, que c’est une commune opinion, qu’il n’y a que les sciences mathématiques, qui soient capables d’une certitude démonstrative ; mais comme la convenance et la dis convenance qui se peut connaître intuitivement n’est pas un privilège attaché seulement aux idées des nombres et des figures, c’est peut-être faute d’application de notre part que les mathématiques seules sont parvenues à des démonstrations. § 10. Plusieurs raisons y ont concouru. Les sciences mathématiques sont d’une utilité fort générale ; la moindre différence y est tort aisée à reconnaître. § 17. Ces autres idées simples qui sont des apparences ou situations produites en nous, n’ont aucune mesure exacte de leurs différents degrés. § 17. Mais, lorsque la différence de ces qualités visibles, par exemple, est assez grande pour exciter dans l’esprit des idées clairement distinguées, comme celles du bleu et du rouge, elles sont aussi capables de démonstrations que celles du nombre et de l’étendue.