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de la connaissance

l’homme pour ceux de notre race, le provisionnel consiste à sous-entendre qu’il est le seul animal raisonnable de ceux qui nous sont connus ; car il se pourrait qu’il eût un jour d’autres animaux à qui fût commun avec la postérité des hommes d’à présent tout ce que nous y remarquons jusqu’ici, mais qui fussent d’une autre origine. C’est comme si les Australiens imaginaires venaient inonder nos contrées, il y a de l’apparence qu’alors on trouverait quelque moyen de les distinguer de nous. Mais, en cas que non, et supposé que Dieu eût défendu le mélange de ces races et que Jésus-Christ n’eût racheté que la nôtre, il faudrait tâcher de faire des marques artificielles pour les distinguer entre elles. Il y aurait sans doute une différence interne ; mais, comme elle ne se rendrait point reconnaissable, on serait réduit à la seule dénomination extrinsèque de la naissance, qu’on tâcherait d’accompagner d’une marque artificielle durable, laquelle donnerait une dénomination intrinsèque et un moyen constant de discerner notre race des autres. Ce sont des fictions que tout cela, car nous n’avons point besoin de recourir à ces distinctions, étant les seuls animaux raisonnables de ce globe. Cependant ces fictions servent à connaître la nature des idées des substances et des vérités générales à leur égard. Mais, si l’homme n’était point pris pour la plus basse espèce ni pour celle des animaux raisonnables de la race d’Adam, et si au lieu de cela il signifiait un genre commun a plusieurs espèces, qui appartient maintenant à une seule race connue, mais qui pourrait encore appartenir à d’autres distinguables, ou par la naissance, ou même par d’autres marques naturelles, comme par exemple aux feints Australiens ; alors, dis-je, ce genre aurait des propositions réciproques, et la définition présente de l’homme ne serait point provisionnelle. Il en est de même de l’or ; car, supposé qu’on eût un jour deux sortes discernables, l’une rare et connue jusqu’ici, et l’autre commune et peut-être artificielle, trouvée dans la suite des temps ; alors, supposé que le nom de l’or doive demeurer à l’espèce présente, c’est-à-dire il l’or naturel et rare, pour conserver par son moyen la commodité de la monnaie d’or, fondée sur la rareté de cette matière, sa définition connue jusqu’ici par des dénominations intrinsèques n’aurait été que provisionnelle, et devra être augmentée par les nouvelles marques qu’on découvrira pour distinguer l’or rare ou de l’espèce ancienne, de l’or nouveau artificiel. Mais, si le nom de l’or devait demeurer alors commun aux deux espèces, c’est-à-dire, si par l’or on entend un genre, dont jusqu’ici nous ne