Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/539

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raine perfection de Dieu, quoiqu’il semble presque d’y incliner dans la chaleur de la dispute. Tout homme qui agit sagement considère toutes les circonstances et liaisons de la résolution qu’il prend, et cela suivant la mesure de sa capacité. Et Dieu, qui voit tout parfaitement et d’une seule vue, peut-il manquer d’avoir pris des résolutions conformément à tout ce qu’il voit ; et peut-il avoir choisi un tel Adam sans considérer et résoudre aussi tout ce qui a de la connexion avec lui. Et par conséquent il est ridicule de dire que cette résolution libre de Dieu lui ôte sa liberté. Autrement, pour être toujours libre il faudrait être toujours irrésolu. Voilà ces pensées choquantes dans l’imagination de M. Arnaud. Nous verrons si à force de conséquences il en pourra ôter quelque chose de plus mauvais.

Cependant la plus importante réflexion que je fais là-dessus, c’est que lui-même autrefois a écrit expressément à V. A. S. que pour des opinions de philosophie on ne ferait point de guerre à un homme qui serait dans leur Église ou qui en voudrait être, et le voila lui-même maintenant qui, oubliant sa modération, se déchaîne sur un rien. Il est donc dangereux de se commettre avec ces gens-là, et V. A. S. voit combien on doit prendre des mesures. Aussi est-ce une des raisons que j’ai eue de faire communiquer ces choses à M. Arnaud, savoir pour le sonder un peu et pour voir comment il se comporterait ; mais tange montes et fumigabunt. Aussitôt qu’on s’écarte tantôt peu du sentiment de quelques docteurs, ils éclatent en foudres et en tonnerres. Je crois bien que le monde ne serait pas de son sentiment, mais il est toujours bon d’être sur ses gardes. V. A. cependant aura occasion peut-être de lui représenter que c’est rebuter les gens sans nécessité que d’agir de cette manière, afin qu’il en use dorénavant avec un peu plus de modération. Il me semble que V. A. a échangé des lettres avec lui touchant les voies de contrainte, dont je souhaiterais d’apprendre le résultat.

Au reste S. A. S. mon maître est allé maintenant à Rome, et il ne reviendra pas apparemment en Allemagne si tôt qu’on avait cru. J’irai un de ces jours à Wolfenbutel, et ferai mon possible pour ravoir le livre de V. A. On dit qu’il y a une histoire des hérésies modernes de M. Varillas. La lettre de Mastrich, que V. A. m’a communiquée, touchant les conversions de Sedan, paraît fort raisonnable. M. Mainbourg, dit-on, rapporte que saint Grégoire le Grand approuvait aussi ce principe qu’il ne faut pas se mettre en peine ;