Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/555

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lequel il entre. Et non seulement la supposition que Dieu ait résolu de créer cet Adam, mais encore celle de quelque autre substance individuelle que ce soit enferme des résolutions pour tout le reste parce que c’est la nature d’une substance individuelle d’avoir une telle notion complète, d’où se peut déduire tout ce que l’on lui peut attribuer et même tout l’univers à cause de la connexion des choses. Néanmoins pour procéder exactement il faut dire que ce n’est pas tant il cause que Dieu a résolu de créer cet Adam, qu’il a résolu tout le reste, mais que tant la résolution qu’il prend à l’égard d’Adam, que celle qu’il prend à l’égard d’autres choses particulières, est une suite de la résolution qu’il prend à l’égard de tout l’univers et des principaux desseins qui en déterminent la notion primitive, et en établissant cet ordre général et inviolable auquel tout est conforme, sans qu’il en faille excepter les miracles, qui sont sans doute conformes aux principaux desseins de Dieu, quoique les maximes particulières qu’on appelle lois de nature n’y soient pas toujours observées.

J’avais dit que la supposition de laquelle tous les événements humains se peuvent déduire n’est pas simplement de créer un Adam, vague, mais celle de créer un tel Adam détermine à toutes ces circonstances choisi parmi une infinité d’Adams possibles. Cela a donné occasion à M.  Arnaud d’objecter, non sans raison, qu’il est aussi peu possible de concevoir plusieurs Adams, prenant Adam pour une nature singulière, que de concevoir plusieurs moi. J’en demeure d’accord, mais aussi en parlant de plusieurs Adams je ne prenais pas Adam pour un individu déterminé. Il faut donc que je m’explique. Et voici comme je l’entendais. Quand on considère en Adam une partie de ses prédicats : par exemple, qu’il est le premier homme, mis dans un jardin de plaisir, de la côte duquel Dieu tira une femme, et choses semblables conçues sub ratione generalitalis (c’est-à-dire sans nommer Ève, le paradis et autres circonstances qui achèvent l’individualité), et qu’on appelle Adam la personne à qui ces prédicats sont attribués, tout cela ne suffit point à déterminer l’individu, car il y peut avoir une infinité d’Adams, c’est-in-dire de personnes possibles à qui cela convient, différentes entre elles. Et bien loin que je disconvienne de ce que M.  Arnaud dit contre cette pluralité d’un même individu, je m’en étais servi moi-même pour faire mieux entendre que la nature d’un individu doit être complètent déterminée. Je suis même très persuadé de ce