Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/627

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Thomas tient l’âme des bêtes pour indivisible. Et nos cartésiens vont bien plus loin, puisqu’ils soutiennent que toute âme et forme substantielle véritable doit être indestructible et ingénérable. C’est pour cela qu’ils la refusent aux bêtes, bien que M.  Descartes, dans une lettre à M.  Morus, témoigne de ne vouloir pas assurer qu’elles n’en ont point. Et puisqu’on ne se formalisé point de ceux qui introduisent des atomes toujours subsistants, pourquoi trouvera-t-on étrange qu’on dise autant des âmes à qui l’indivisibilité convient par leur nature, d’autant qu’en joignant le sentiment des cartésiens touchant la substance et l’âme avec celui de toute la terre touchant l’âme des bêtes, cela s’ensuit nécessairement. Il sera difficile d’arracher au genre humain cette opinion reçue toujours et partout, et catholique s’il en fût jamais, que les bêtes ont du sentiment. Or, supposant qu’elle est véritable, ce que je tiens touchant ces âmes n’est pas seulement nécessaire suivant les cartésiens, mais encore important pour la morale et la religion, afin de détruire une opinion dangereuse, pour laquelle plusieurs personnes d’esprit ont du penchant et que les philosophes italiens, sectateurs d’Averroès, avaient répandue dans le monde, savoir que les âmes particulières retournent à l’âme du monde lorsqu’un animal meurt, ce qui répugne à mes démonstrations de la nature de la substance individuelle, et ne saurait être conçu distinctement ; toute substance individuelle devant toujours subsister à part, quand elle a une fois commencé d’être. C’est « pourquoi les vérités que j’avance sont assez importantes, et tous ceux qui reconnaissent les âmes des bêtes les devant approuver, les autres au moins ne les doivent pas trouver étranges.

Mais pour venir à vos doutes sur cette indestructibilité.

1. J’avais soutenu qu’il faut admettre dans les corps quelque chose qui soit véritablement un seul être, la matière ou masse étendue eu elle-même n’étant jamais que plura entia, comme saint Augustin a fort bien remarqué après Platon. Or, j’infère qu’il n’y a pas plusieurs êtres là où il n’y en a pas un, qui soit véritablement un être, et que toute multitude suppose l’unité. À quoi vous répliquez en plusieurs façons ; mais c’est sans toucher à l’argument en lui-même, qui est hors de prise, en vous servant seulement des objections ad hominem des inconvénients, et en tâchant de faire voir que ce que je dis ne suffit pas à résoudre la difficulté. Et d’abord, vous vous étonnez, Monsieur, comment je puis me servir de cette raison, qui aurait été apparente chez M.  Cordemoy qui compose