Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/643

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ont raison de dire qu’une substance agit sur l’autre, il faut donner une autre notion à ce qu’on appelle action, ce qu’il serait trop long de déduire ici, et au reste je me rapporte à ma dernière lettre qui est assez prolixe.

Je ne sais si le P. Malebranche a répliqué à ma réponse donnée dans quelques mois d’été de l’année passée, où je mets en avant encore un autre principe général, servant en mécanique comme en géométrie, qui renverse manifestement tant les règles du mouvement de Descartes que celles de ce Père, avec ce qu’il a dit dans les Nouvelles pour les excuser.

Si je trouve un jour assez de loisir, je veux achever mes méditations sur la caractéristique générale ou manière de calcul universel, qui doit servir dans les autres sciences comme dans les mathématiques. J’en ai déjà de beaux essais, j’ai des définitions, axiomes, théorèmes et problèmes fort remarquables de la coïncidence, de la détermination (ou de de unico), de la similitude, de la relation en général, de la puissance ou cause, de la substance, et partout je procède par lettres d’une manière précise et rigoureuse, comme dans l’algèbre. J’en ai même quelques essais dans la jurisprudence, et on peut dire en vérité qu’il n’y a point d’auteurs, dont le style approche davantage de celui des géomètres, que le style des jurisconsultes dans les Digestes. Mais comment, me direz-vous, peut-on appliquer ce calcul aux matières conjecturales ? Je réponds que c’est comme MM. Pascal, Hugens et autres ont donné des démonstrations de alea. Car on peut toujours déterminer le plus probable et le plus sûr autant qu’il est possible de connaître ex datis.

Mais je ne dois pas vous arrêter davantage, et peut-être est-ce déjà trop. Je n’oserais pas le faire si souvent, si les matières, sur lesquelles j’ai souhaité d’apprendre votre jugement, n’étaient importantes. Je prie Dieu de vous conserver encore longtemps, afin que nous puissions profiter toujours de vos lumières, et je suis avec zèle,

Monsieur, etc.


Leibniz à Arnauld.

Monsieur,

Je suis maintenant sur le point de retourner chez moi, après un long voyage entrepris par ordre de mon prince, servant pour des