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Second éclaircissement du système
de la
communication des substances

Histoire des Ouvrages des Savants, février 1696

Je vois bien, Monsieur, par vos réflexions, que ma pensée qu’un de mes amis a fait mettre dans le Journal de Paris a besoin d’éclaircissement.

Vous ne comprenez pas, dites-vous, comment je pourrais prouver ce que j’ai avancé touchant la communication, ou l’harmonie de deux substances aussi différentes que l’âme et le corps. Il est vrai que je crois en avoir trouvé le moyen : et voici comment je prétends vous satisfaire. Figurez-vous deux horloges ou montres qui s’accordent parfaitement. Or, cela se peut faire de trois manières : La première consiste dans une influence mutuelle ; la deuxième est d’y attacher un ouvrier habile qui les redresse et les mette d’accord à tous moments ; la troisième est de fabriquer ces deux pendules avec tant d’art et de justesse, qu’on se puisse assurer de leur accord dans la suite. Mettez maintenant l’âme et le corps à la place de ces deux pendules ; leur accord peut arriver par l’une de ces trois manières. La voie d’influence est celle de la philosophie vulgaire ; mais, comme l’on ne saurait concevoir des particules matérielles qui puissent passer d’une de ces substances dans l’autre, il faut abandonner ce sentiment. La voie de l’assistance continuelle du Créateur est celle du système des causes occasionnelles ; mais je tiens que c’est faire intervenir Deus ex machina, dans une chose naturelle et ordinaire, où, selon la raison, il ne doit concourir que de la manière qu’il concourt à toutes les autres choses naturelles. Ainsi il ne reste que mon hypothèse, c’est-à-dire que la voie de l’harmonie. Dieu a fait dès le commencement chacune de ces deux substances de telle nature, qu’en