Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/745

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

médiatement : — il s’ensuit, que cette communication va à quelque distance que ce soit. Et par conséquent tout corps se ressent de tout ce qui se fait dans l’univers, tellement que celui qui voit tout pourrait lire dans chacun ce qui se fait partout et même ce qui s’est fait ou se fera, en remarquant dans le présent ce qui est éloigné, tant selon les temps que selon les lieux : σύμπνοια πάντα, disait Hippocrate. Mais une âme ne peut lire en elle-même que ce qui y est représenté distinctement, elle ne saurait développer tout d’un coup tous ses replis, car ils vont à l’infini.

62. Ainsi quoique chaque monade créée représente tout l’univers, elle représente plus distinctement le corps qui lui est affecté particulièrement et dont elle fait l’entéléchie : et comme ce corps exprime tout l’univers par la connexion de toute la matière dans le plein, l’âme représente aussi tout l’univers en représentant ce corps, qui lui appartient d’une manière particulière (§ 400.)

63. Le corps appartenant à une monade, qui en est l’entéléchie ou l’âme, constitue avec l’entéléchie ce qu’on peut appeler un vivant, et avec l’âme ce qu’on appelle un animal. Or ce corps d’un vivant ou d’un animal est toujours organique, car toute monade étant un miroir de l’univers à sa mode, et l’univers étant réglé dans un ordre parfait, il faut qu’il y ait aussi un ordre dans le représentant, c’est-à-dire dans les perceptions de l’âme, et par conséquent dans le corps suivant lequel l’univers y est représenté. (§ 403.)

64. Ainsi chaque corps organique d’un vivant est une espèce de machine divine, ou d’un automate naturel, qui surpasse infiniment tous les automates artificiels. Parce qu’une machine, faite par l’art de l’homme, n’est pas machine dans chacune de ses parties. Par exemple, la dent d’une roue de laiton a des parties ou fragments, qui ne nous sont plus quelque chose d’artificiel et n’ont plus rien qui marque de la machine par rapport à l’usage où la roue était destinée. Mais les machines de la nature, c’est-à-dire les corps vivants, sont encore machines dans leurs moindres parties jusqu’à l’infini. C’est ce qui fait la différence entre la Nature et l’Art, c’est-à-dire, entre l’art divin et le nôtre (§§ 134, 146, 194, 483).

65. Et l’auteur de la nature a pu pratiquer cet artifice divin et infiniment merveilleux, parce que chaque portion de la matière n’est pas seulement divisible à l’infini, comme les anciens ont reconnu mais encore sous-divisée actuellement sans fin, chaque partie en parties, dont chacune a quelque mouvement propre : autrement