Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/101

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ou pour empêcher un autre mal ; ce n’est pas pourtant cela qui le rend un objet suffisant de la volonté divine, ou bien un objet légitime d’une volonté créée ; il faut qu’il ne soit admis ou permis, qu’autant qu’il est regardé comme une suite certaine d’un devoir indispensable de sorte que celui qui ne voudrait point permettre le péché d’autrui, manquerait lui-même à ce qu’il doit ; comme si un officier qui doit garder un poste important, le quittait, surtout dans un temps de danger, pour empêcher une querelle dans la ville entre deux soldats de la garnison prêts à s’entre-tuer.

25 La règle qui porte, non esse facienda mala, ut eveniant bona, et qui défend même de permettre un mal moral pour obtenir un bien physique est confirmée ici, bien loin d’être violée, et l’on en montre la source et le sens. On n’approuvera point qu’une reine prétende sauver l’État, en commettant, ni même en permettant un crime. Le crime est certain, et le mal de l’État est douteux : outre que cette manière d’autoriser des crimes, si elle était reçue, serait pire qu’un bouleversement de quelque pays, qui arrive assez sans cela, et arriverait peut-être plus par un tel moyen qu’on choisirait pour l’empécher. Mais par rapport à Dieu, rien n’est douteux, rien ne saurait être opposé à la règle du meilleur, qui ne souffre aucune exception ni dispense. Et c’est dans ce sens que Dieu permet le péché ; car il manquerait à ce qu’il se doit, à ce qu’il doit à sa sagesse, à sa bonté, à sa perfection, s’il ne suivait pas le grand résultat de toutes ses tendances au bien, et s’il ne choisissait pas ce qui est absolument le meilleur, nonobstant le mal de coulpe qui s’y trouve enveloppé par la suprême nécessité des vérités éternelles. D’où il faut conclure que Dieu veut tout le bien en soi antécédemnient, qu’il veut le meilleur conséquemment comme une fin, qu’il veut l’indifférent et le mal physique quelquefois comme un moyen ; mais qu’il ne veut que permettre le mal moral à tilre du sine quo non ou de nécessité hypothétique, qui le lie avec le meilleur. C’est pourquoi la volonté conséquente de Dieu qui a le péché pour objet, n’est que permissive.

26 Il est encore bon de considérer que le mal moral n’est un si grand mal, que parce qu’il est une source de maux physiques, qui se trouve dans une créature des plus puissantes et des plus capables d’en faire. Car une mauvaise volonté est dans son département ce que le mauvais principe des manichéens serait dans l’univers ; et la raison, qui est une image de la divinité, fournit aux âmes mauvaises