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ESSAIS DE THÉODICÉE

plaisent moins, c’est-à-dire qui renferment, moins de cette bonté qui me touche. Or il n’y a que les vrais biens qui soient capables de plaire à Dieu et par conséquent ce qui plait le plus à Dieu, et qui se fait choisir, est le meilleur.

111. III. La nature humaine ayant été du nombre des êtres qu’il « voulut produire, il créa un homme et une femme, et leur accorda entre autres faveurs le franc arbitre, de sorte qu’ils eurent le pouvoir de lui obéir mais il les menaça de la mort s’ils désobéissaient l’ordre qu’il leur donna de s’abstenir d’un certain fruit. » Cette proposition est révélée en partie et doit être admise sans difficulté, pourvu que le franc-arbitre soit entendu comme il faut, suivant l’explication que nous en avons donnée.

112. IV. « Ils en mangèrent pourtant, et dès lors ils furent condamnés eux et toute leur postérité aux misères de cette vie, à la mort temporelle et à la damnation éternelle, et assujettis à une telle inclination au péché qu’ils s’y abandonnent presque sans fin et sans cesse. » Il y a sujet de juger que l’action défendue entraîna par elle-même ces mauvaises suites en vertu d’une conséquence naturelle, et que ce fut pour cela même, et non pas par un décret purement arbitraire, que Dieu l’avait défendue : c’était à peu près comme on défend les couteaux aux enfants. Le célèbre Fludd ou de Fluctibus, Anglais, fit autrefois un livre de Vita, Morte et Eesurrectione, sous le nom de R. Otreb, où il soutint que le fruit de l’arbre défendu était un poison mais nous ne pouvons pas entrer dans ce détail. Il suffit que Dieu a défendu une chose nuisible ; il ne faut donc point s’imaginer que Dieu y ait fait simplement le personnage de législateur, qui donne une loi purement positive, ou d’un juge qui impose et inflige une peine par un ordre de sa volonté, sans qu’il y ait de la connexion entre le mal de coulpe et le mal de peine. Et il n’est point nécessaire de se figurer que Dieu justement irrité a mis une corruption tout exprès dans l’âme et dans le corps de l’homme, par une action extraordinaire pour le punir à peu près comme les Athéniens donnaient le suc de la ciguë à leurs criminels. M. Bayle le prend ainsi, il parle comme si la corruption originelle avait été mise dans l’âme du premier homme par un ordre et par une opération de Dieu. C’est ce qui fait objecter (Rép. au Provinc., ch. clxxviii, p. 1218, t. III), « que la raison n’approuverait point le monarque, qui pour châtier un rebelle condamnerait lui et ses descendants à être inclinés à se rebeller ». Mais ce châtiment