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ESSAIS DE THÉODICÉE

propos aussi, comme on a appuyé dans la thèse 2, sur ce qui plaît, d’appuyer ici sur ce qui semble bon, c’est-à-dire sur ce que Dieu trouve bon de faire. Il peut éviter ou écarter comme bon lui semble, tout ce qui ne lui plaît pas ; cependant il faut considérer que quelques objets de son éloignement, comme certains maux, et surtout le péché, que sa volonté antécédente repoussait, n’ont pu être rejetés par sa volonté conséquente ou décrétoire, qu’autant que le portait la règle du meilleur, que le plus sage devait choisir, après avoir tout mis en ligne de compte. Lorsqu’on dit que le péché l’offense le plus, et qu’il le déteste le plus, ce sont des manières de parler humaines car Dieu, à proprement parler, ne saurait être offensé, c’est-à-dire lésé, incommodé, inquiété, ou mis en colère et il ne déteste rien de ce qui existe, supposé que détester quelque chose soit la regarder avec abomination, et d’une manière qui nous cause un dégoût, qui nous fasse beaucoup de peine, qui nous fasse mal au cœur car Dieu ne saurait souffrir ni chagrin, ni douleur, ni incommodité il est toujours parfaitement content et à son aise. Cependant ces expressions dans leur vrai sens sont bien fondées. La souveraine bonté de Dieu fait que sa volonté antécédente repousse tout mal, mais le mal moral plus que tout autre elle ne l’admet aussi que pour des raisons supérieures invincibles, et avec de grands correctifs qui en réparent les mauvais effets avec avantage. Il est vrai aussi que Dieu pourrait produire dans chaque âme humaine toutes les pensées qu’il approuve mais ce serait agir par miracle, plus que son plan le mieux conçu qu’il soit possible, ne le porte.

115. VII. « Il offre des grâces à des gens qu’il sait ne les devoir pas accepter, et se devoir rendre par ce refus plus criminels qu’ils ne le seraient s’il ne les leur avait pas offertes il leur déclare qu’il souhaite ardemment qu’ils les acceptent, et il ne leur donne point les grâces qu’il sait qu’ils accepteraient. Il est vrai que ces gens deviennent plus criminels par leur refus, que si l’on ne leur avait rien offert, et que Dieu le sait bien mais il vaut mieux permettre leur crime, qu’agir d’une manière qui rendrait Dieu blâmable lui-même, et ferait que les criminels auraient quelque droit de se plaindre, en disant qu’il ne leur était pas possible de mieux faire, quoiqu’ils l’aient ou l’eussent voulu. Dieu veut qu’ils reçoivent ses grâces dont ils sont capables, et qu’ils les acceptent ; et il veut leur donner particulièrement celles qu’il prévoit qu’ils accepteraient mais c’est toujours par une volonté antécédente, détachée ou parti-