Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/44

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pas non plus la réplication multipliée de quelques scolastiques, comme si un même corps était en même temps assis ici et debout ailleurs. Enfin ils s’expliquent de telle sorte qu’il semble à plusieurs que le sentiment de Calvin, autorisé par plusieurs confessions de foi des églises qui ont reçu la doctrine de cet auteur, lorsqu’il établit une participation de la substance, n’est pas si éloigné de la confession d’Augsbourg qu’on pourrait penser, et ne diffère peut-être qu’en ce que pour cette participation il demande la véritable foi, outre la réception orale des symboles, et exclut par conséquent les indignes.

19. On voit par là que le dogme de la participation réelle et substantielle se peut soutenir (sans recourir aux opinions étranges de quelques scolastiques) par une analogie bien entendue entre l’opération immédiate et la présence. Et comme plusieurs philosophes ont jugé que, même dans l’ordre de la nature, un corps peut opérer immédiatement en distance sur plusieurs corps éloignés tout à la fois, ils croient, à plus forte raison, que rien ne peut empêcher la toute-puissance divine de faire qu’un corps soit présent à plusieurs corps ensemble, n’y ayant pas un grand trajet de l’opération immédiate à la présence, et peut-être l’une dépendant de l’autre. Il est vrai que, depuis quelque temps, les philosophes modernes ont rejeté l’opération naturelle immédiate d’un corps sur un autre corps éloigné, et j’avoue que je suis de leur sentiment. Cependant l’opération en distance vient d’être réhabilitée en Angleterre par l’excellent M. Newton, qui soutient qu’il est de la nature des corps de s’attirer et de peser les uns sur les autres, à proportion de la masse d’un chacun et des rayons d’attraction qu’il reçoit ; sur quoi le célèbre M. Locke[1] a déclaré, en répondant à M. l’évêque Stillingfleet[2], qu’après avoir vu le livre de M. Newton, il rétracte ce qu’il avait dit lui-même, suivant l’opinion des modernes, dans son Essai sur d’entendement, savoir qu’un corps ne peut opérer immédiatement sur un autre qu’en le

  1. Locke (John) est né à Wrington (comté de Bristol) en 1632, mort en 1761-Il fut exilé à la Restauration, et revint en Angleterre à la Révolution en 1688. Ses principaux ouvrages sont l’Essai sur l’entendement humain (Londres, 1690, in-fol.) en anglais ; traduit en français par Coste (4 vol. in-12, 1742). L’Éducation des enfants (Londres, in-8,16.3). Lettre sur la tolérance, en latin, 1689, traduite en français en 1710. Le Christianisme raisonnable (Londres, 1695, in-8), trad. par Coste. Essai sur le gouvernement civil (Londres, 1690). P. J.
  2. Stillixgfleet (Ed.), controversiste anglican, né à Cranbourg (comté de Dorset) en 1635, évoque de Worcester, et célèbre par sa discussion contre Locke, sur la question de l’immatérialité de l’Ame, mort à Westminster en 1699. Ses œuvres ont été réimprimées en 1711, en 6 vol. in-fol. P. J.