Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/49

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oppositi, jusqu’à ce qu’on ait fait cet examen. J’oserais dire que non, car autrement on ne viendrait jamais à la certitude, et notre conclusion serait toujours provisionnelle : et je crois que les habiles géomètres ne se mettront guère en peine des objections de Joseph Scaliger[1] contre Archimède, ou de celles de M. Hobbes contre Euclide ; mais c’est parce qu’ils sont bien sûrs des démonstrations qu’ils ont comprises. Cependant il est bon quelquefois d’avoir la complaisance d’examiner certaines objections : car outre que cela peut servir à tirer les gens de leur erreur, il peut arriver que nous en profitions nous-mêmes ; car les paralogismes spécieux renferment souvent quelque ouverture utile, et donnent lieu à résoudre quelques difficultés considérables. C’est pourquoi j’ai toujours aimé des objections ingénieuses contre mes propres sentiments, et je ne les ai jamais examinées sans fruit : témoin celles que M. Bayle a faites autrefois contre mon système de l’harmonie préétablie, sans parler ici de celles que M. Arnauld, M. l’abbé Foucher et le Père Lami[2], bénédictin, m’ont faites sur le même sujet. Mais pour revenir à la question principale, je conclus, par les raisons que je viens de rapporter, que lorsqu’on propose une objection contre quelque vérité, il est toujours possible d’y répondre comme il faut.

27. Peut-être aussi que M. Bayle ne prend pas les objections insolubles dans le sens que je viens d’exposer ; et je remarque qu’il varie, au moins dans ses expressions ; car, dans sa réponse posthume à M. Le Clerc, il n’accorde point qu’on puisse opposer des démonstrations aux vérités de la foi. Il semble donc qu’il ne prend les objections pour invincibles que par rapport à nos lumières présentes, et il ne désespère pas même dans cette réponse, p. 35, que quelqu’un ne puisse un jour trouver un dénouement peu connu jusqu’ici. On en parlera encore plus bas. Cependant je suis d’une opinion qui surprendra peut-être : c’est que je crois que ce dénouement est tout trouvé, et n’est pas même des plus difficiles, et qu’un

  1. Scaucer 'Joseph), fils de Jutes César Scaliger (l’illustre savant du xvie siècle), et lui-même philologue éminent, est né à Agen en 1510, mort à Leydeen 1609. On peut dire qu’il a fondé la chronologie dans son célèbre ouvrage De cmendatione tempoi-u.ni. Nous ne.savons dans lequel de ses innombrables ouvrages se trouvent ses objections contre Archimède. P. J.
  2. Lajii (Dom François), bénédictin (qu’il ne faut pas confondre avec le P. Lami de l’Oratoire), né à Muntreau, près de Chartres, en 1636. On a de lui un Traité de la Connaissance de soi-même, vol. in-12, Paris, 1694-9S 2e édit., 1700, plus complète ; le Nouvel athéisme renversé ou Réfutation de Spinosa, Paris, 1G96, in-12. P. J.