Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 2.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ou par des raisons supérieures. Mais tout cela n’a été mis ici par avance que pour mieux faire entendre en quoi consiste le défaut des objections, et l’abus de la raison, dans le cas présent, où l’on prétend qu’elle combat la foi avec le plus de force : nous viendrons ensuite à une plus exacte discussion de ce qui regarde l’origine du mal et la permission du péché avec ses suites.

39. Pour à présent il sera bon de continuer à examiner l’importante question de l’usage de la raison dans la théologie, et de faire des réflexions sur ce que M. Bayle a dit là-dessus en divers lieux de ses ouvrages. Comme il s’était attaché dans son Dictionnaire historique et critique à mettre les objections des manichéens et celles des pyrrhoniens dans leur jour, et comme ce dessein avait été censuré par quelques personnes zélées pour la religion, il mit une dissertation à la fin de la seconde édition de ce dictionnaire, qui tendait à faire voir par des exemples, par des autorités et par des raisons, l’innocence et l’utilité de son procédé. Je suis persuadé (comme j’ai dit ci-dessus) que les objections spécieuses qu’on peut opposer à la vérité sont très utiles, et qu’elles servent à la confirmer et à l’éclaircir, en donnant occasion aux personnes intelligentes de trouver de nouvelles ouvertures ou de faire mieux valoir les anciennes. Mais M. Bayle y cherche une utilité tout opposée, qui serait de faire voir la puissance de la foi, en montrant que les vérités qu’elle enseigne ne sauraient soutenir les attaques de la raison, et qu’elle ne laisse pas de se maintenir dans le cœur des fidèles. M. Nicole 9E semble appeler cela le triomphe de l’autorité de Dieu sur la raison humaine, dans les paroles que M. Bayle rapporte de lui, dans le 3e tome de sa Réponse aux questions d’un provincial (ch. 177, P. 1201). Mais comme la raison est un don de Dieu aussi bien que la foi, leur combat ferait combattre Dieu contre Dieu ; et si les objections de la raison contre quelque article de foi sont insolubles, il faudra dire que ce prétendu article sera faux et non révélé : ce sera une chimère de l’esprit humain, et le triomphe de cette foi pourra être comparé aux feux de joie que l’on fait après avoir été battu. Telle est la doctrine de la damnation des enfants non baptisés, que M. Nicole veut faire passer pour une suite du péché originel ; telle serait la condamnation éternelle des adultes qui auraient manqué des lumières nécessaires pour obtenir le salut.

40. Cependant tout le monde n’a pas besoin d’entrer dans des