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LE PRINCE.



CHAPITRE XII.


Combien il y a de sortes de milices et de troupes mercenaires.


J’ai parlé des qualités propres aux diverses sortes de principautés sur lesquelles je m’étais proposé de discourir ; j’ai examiné quelques-unes des causes de leur mal ou de leur bien-être ; j’ai montré les moyens dont plusieurs se sont servis, soit pour les acquérir, soit pour les conserver : il me reste maintenant à les considérer sous le rapport de l’attaque et de la défense.

J’ai dit ci-dessus combien il est nécessaire à un prince que son pouvoir soit établi sur de bonnes bases, sans lesquelles il ne peut manquer de s’écrouler. Or, pour tout État, soit ancien, soit nouveau, soit mixte, les principales bases sont de bonnes lois et de bonnes armes. Mais, comme là où il n’y a point de bonnes armes, il ne peut y avoir de bonnes lois, et qu’au contraire il y a de bonnes lois là où il y a de bonnes armes, ce n’est que des armes que j’ai ici dessein de parler.

Je dis donc que les armes qu’un prince peut employer pour la défense de son État lui sont propres, ou sont mercenaires, auxiliaires, ou mixtes, et que les mercenaires et les auxiliaires sont non-seulement inutiles, mais même dangereuses.

Le prince dont le pouvoir n’a pour appui que des troupes mercenaires, ne sera jamais ni assuré ni tranquille ; car de telles troupes sont désunies, ambitieuses, sans discipline, infidèles, hardies envers les amis, lâches contre les ennemis ; et elles n’ont ni crainte de Dieu, ni probité à l’égard des hommes. Le prince ne tardera d’être ruiné qu’autant qu’on différera de l’attaquer. Pendant la paix, il sera dépouillé par ces mêmes troupes ; pendant la guerre, il le sera par l’ennemi.