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V

Paris, 20 décembre 18…
Mon Léo,

Gérard arrive le mois prochain. J’ai reçu de lui une lettre datée de Baltimore ; il vient passer une quinzaine de jours en France, pour livraison au Creusot de je ne sais quelles machines et en commander d’autres.

Conçois-tu ma joie ?… Un autre toi-même qui m’arrive ! Il me dit t’avoir écrit sa venue en France ; mais quinze jours seulement, c’est peu !… j’espère qu’il pourra prolonger son séjour au moins d’une semaine.

Quel dommage que tu ne sois pas auprès de moi pour partager nos plaisirs !… Surtout Thérèse étant là… quelles belles parties carrées !… Car j’ai tout raconté à celle-ci, ou presque tout. Je lui ai dit que Gérard était ton ami d’enfance, que tu l’aimais comme un frère ; qu’il avait été mon amant, de ton gré, et que tous trois nous avions passé des nuits de volupté dans le même lit, je lui ai dit que je voulais recommencer avec elle et Gérard, qu’il la posséderait autant que moi. J’ai un peu hésité craignant qu’elle ne s’effarouchât de mes projets, mais quand j’eus fini, elle me dit simplement : « Oui, mais si je ne lui plais pas ?… »

— Ah ! cela m’étonnerait bien que tu ne lui plaises pas !… avec cette frimousse… cette bouche qui appelle les baisers, ces yeux de gazelle, cette gorge si parfaite !… Ah ! je n’ai qu’une crainte : c’est que tu lui plaises trop… S’il allait vouloir t’emmener en Amérique ?…

— Moi, vous quitter !… Écoutez, chère maîtresse… écoute, ma Cécile chérie : j’ai eu des amants, j’ai aimé des

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