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LA BELLE ALSACIENNE


autres ; qui, par un retour secret sur elles-mêmes, sont flattées de se retrouver dans l’image d’accidents qu’elles ont éprouvés, ou qui les menacent, et qui, en plaignant les malheureux, savourent cette douceur délicieuse, préférable, par la noblesse du sentiment qu’elle excite, aux accès indécents d’une joie immodérée.

Je rentrai chez moi l’âme si intimement pénétrée de son néant et si parfaitement revenue des vanités du siècle que je regardais avec un souverain mépris les occupations mondaines les plus intéressantes. J’étais d’une indifférence à glacer sur tout ce qui s’appelle plaisirs et divertissements ; à peine me restait-il assez de force pour penser que j’existais encore. Un engourdissement léthargique s’était emparé de mes sens. Les caresses du marquis, tout cher qu’il m’était, ne purent m’en faire revenir.

Dans cette inaction universelle de toutes les facultés de mon âme, à peine obtint-il que la complaisance me nécessitât à donner quelques faibles signes d’applaudissement

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