Page:A. Bret, La belle alsacienne , ou Telle mère telle fille, 1923.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
LA BELLE ALSACIENNE


marques d’une vraie reconnaissance : tour ingénieux pour m’engager à renouveler mes bienfaits, car je lisais dans ses yeux que sa reconnaissance était intéressée.

Il faudrait avoir l’âme autrement faite que je ne l’ai pour résister à des manières si délicates de solliciter des grâces. Je me remis de nouveau à lui donner des marques de ma compassion pour son tourment.

Jusque-là j’avais obligé gratuitement, sans aucun retour sur moi-même. J’avais aussi cependant besoin de consolation de mon côté. La tristesse des malheureux se communique par la fréquentation ; il en est, je pense, de même de presque toutes les affections de l’âme.

À force de m’intéresser au sort de l’objet de mes complaisances, je m’aperçus que, séduite par ma pitié, je devenais la dupe de mon bon cœur. J’achevai de perdre le peu de constance qui me restait ; tremblante et certaine d’être forcée d’avoir recours pour moi-même aux bontés que je mettais en usage pour d’autres, je les continuais toujours cependant avec une fer-