Page:A. Challamel.- Les Clubs contre-révolutionnaires.djvu/570

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comme le croit Michelet, mais elle possédait une beauté virginale jointe à la jeunesse ; elle était pleine de grâce, paraissait moins encore une dame qu’une noble demoiselle. Son salon était un centre de l’Europe éclairée, où l’on faisait plus de littérature que de politique, et où les étrangers de marque abondaient. Des aristocrates, tout au moins des aristocrates d’intelligence, y coudoyaient des hommes dévoués à la Révolution, plus portés à penser qu’à agir, et généralement philanthropes. Madame de Condorcet partageait les opinions de son mari, qui votait le plus souvent avec les Girondins. Le jour où celui-ci fut mis hors la loi, le premier « foyer de la république » s’éteignit (1).

En 1789, Camille Desmoulins était besoigneux. Il logeait à Vhôtel de Pologne, en face de Vhôtel de Nivernais. Après son mariage (29 septembre 1790), il eut plus d’aisance, grâce à la dot de sa femme et à ses publications.

Lucile Desmoulins, dans son logis de la cour du Commerce, n» 1, ou dans sa demeure de la rue de l’Odéon, recevait, en petit comité, M. et madame Danton, Stanislas Fréron, Brune (2), le futur maréchal de France, Laurent Lecointre (de Versailles), Antoine Merlin (de Thionville), etc. Au début, ce salon était révolutionnaire ardent, si l’on peut dire ainsi ; le Club des Cordeliers y était largement représenté, et la charmante Lucile pensait à l’unisson des avancés. Mais, lorsque le Vieux Cordelier de Camille Desmoulins fit regarder le mari de Lucile comme un indulgent, un contre-révolutionnaire, on ne vit plus Robespierre chez Desmoulins, que Hébert accusait de tenir « le langage des muscadins qu’il fréquentait », d’être « l’ami des comtes et des marquis ». Camille et Lucile périrent : ils n’avaient eu pour objectif que la clémence, et ils furent victimes de leur humanité, tardive, il faut l’avouer.

Lucile Desmoulins parut devant le tribunal révolutionnaire comme coupable d’avoir conspiré contre la sûreté du peuple ; d’avoir voulu égorger la Convention ; d’avoir eu pour but de replacer sur le trône de France le fils de Louis XVI.

(1) Le salon de Condorcet, les rciceptions de Lucile Desmoulins, les réunions qui avaient lieu chez madame Roland, eurent, à un moment donné, tant d’importance, qu’on peut les regarder comme des comités, sinon comme des clubs, et les rattacher, conséquemment, au Comité Valazé et au Club de la Réunion, dont il a été question plus haut, p. 471 et suiv. (2) Brune a dessiné un portrait de Lucile Desmoulius, d’après nature. 11 était alors prote d’imprimerie.