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IV


LE DÎNER


Fier-à-Bras l’Araignoire était un nabot de beaucoup d’esprit. En frappant l’Anglais à terre, il faisait la critique sanglante des colères folles de Mme Reine. Mais Jeannin ne l’entendait point, le pauvre Jeannin. Il se désolait de tout son cœur et se disait comme toujours :

— Qu’ai-je donc fait à Mme Reine pour qu’elle me déteste ainsi maintenant.

Et il ne se révoltait pas plus que l’Anglais de bois contre les coups de houssine de Fier-à-Bras.

Le cadran solaire marquait onze heures. Dans la campagne, derrière les futaies et parmi les clairières qui descendaient à la Rance, on entendit des huchées. Les routes montant au manoir s’emplirent de bestiaux et de pastours. C’était une belle et bonne terre que le Roz. À l’heure du dîner il y avait bien trente gars et servantes autour de la table de la cuisine.

La cloche tinta. Le nain fit une pirouette à cet appel de bon augure.

Au nord, au sud, à l’orient, au couchant, ces refrains monotones et mélancoliques qui se ressemblent tous et qui sont comme l’éternelle chanson de la campagne bretonne, se répondaient et alternaient. C’était un concert. Tantôt le vent mêlait tous les couplets ; tantôt une voix rauque et gémissante s’éle-