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mais en présence d’une race entièrement slavisée, les faits ont renversé son bel échafaudage scientifique, car il est impossible d’approcher la Grèce moderne sans être frappée de sa ressemblance avec la Grèce antique. Les Hellènes se sont conservés étrangement pareils ; leurs qualités et leurs défauts demeurent dans la proportion qu’a fixée le lointain passé. Ils retournent même vers leurs origines car l’hellénisme actuel est plus proche de l’ancienne Athènes que de la Byzance du Moyen-Âge.

L’effort qui consacra la résurrection nationale fut exclusivement grec. Sans ressources et souvent sans espoir, les Hellènes luttèrent cinq ans à eux tout seuls avant que l’Europe, par un tardif secours se décidât à faire pencher la balance en leur faveur. La France y apporta du moins une préoccupation généreuse ; les autres puissances agirent sous l’impulsion de mobiles intéressés. Sans égard pour ce fait unique dans l’histoire que trois cent mille Hellènes venaient de périr pour l’émancipation de leur race, on n’octroya la liberté qu’à six cent mille des survivants ; les autres — plusieurs millions — demeurèrent asservis. L’État que l’on constitua et sur lequel le prince Léopold de Cobourg refusa de régner parce qu’il le jugeait « estropié » et trop faible pour vivre a vécu néanmoins et prospéré.

Ce ne fut point par les bienfaits de l’Europe.