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DOUZE ANS DE SÉJOUR

tiens et heureux, sans plus intervenir dans les affaires des autres nations. Les pèlerins nous apprenaient que les peuples s’entre-détruisaient autour de la ville de Constantin, où régnaient les Empereurs de Rome. »

S’il faut en croire ces traditionnistes, c’est le Bas-Empire qui aurait inoculé à l’Éthiopie le principe de sa décadence. Des lettrés revenus de Jérusalem et de Bysance étonnèrent le clergé indigène par les subtilités théologiques des Grecs. Ils éblouirent les Atsés par la description des splendeurs et de la toute-puissance des Césars byzantins, et leur inspirèrent l’ambition de les prendre pour modèles. Les Atsés envoyèrent des hommes savants à Alexandrie dont ils reconnaissaient la suprématie spirituelle, pour y étudier les lois du Bas-Empire. Ces hommes en rapportèrent un recueil composé des Pandectes, des Institutes de Justinien et d’une Pragmatique Sanction altérée, dit-on, par les Cophtes, en vue de justifier la suprématie de leur siége patriarcal. Ce recueil, traduit en langue guez, ou langue sacrée, donna naissance à une classe d’hommes nécessaires à l’interprétation des textes. Ils se recrutèrent parmi les clercs qu’effrayaient les obligations de la vie cléricale proprement dite, et qu’attiraient la faveur du prince et les bénéfices résultant de leurs fonctions d’organes de la loi.

Pour mettre en œuvre ce nouveau code, les Atsés augmentèrent d’abord le nombre restreint de troupes personnelles que les us leur permettaient d’entretenir. Ils séduisirent les Likaontes et les Azzages, ces premiers intéressés à l’accroissement de la puissance impériale, et se concilièrent le clergé d’autant plus aisément que les docteurs de la loi nouvelle sortaient de son sein.