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DOUZE ANS DE SÉJOUR

Le Ras Marié envahit le Tegraïe avec toutes ses forces ; Oubié conduisait l’avant-garde. La bataille eut lieu à Feureusse-Maïe ; le Ras y périt, léguant la victoire à son armée. Sabagadis fut mis à mort, le lendemain, et en retournant vers le Bégamdir, les grands feudataires donnèrent à Oubié l’investiture d’une portion du Tegraïe. Le Dedjadj Kassa, fils de Sabagadis, restant en possession d’une notable partie du gouvernement de son père, Oubié conclut avec ce nouveau rival une alliance qu’il transgressa presque aussitôt. Les hommes éminents du clergé intervinrent ; ils amenèrent les rivaux à une réconciliation, et Oubié prit pour femme la sœur du Dedjadj Kassa. Mais il ne put contenir ses projets de conquête, et, après des alternatives de paix armée et d’hostilités sans importance, il venait, pendant mon séjour à Gondar, de vaincre dans une bataille le Dedjadj Kassa et de s’emparer de sa personne. Oubié se trouvant ainsi maître incontesté du pays, depuis Gondar jusqu’à la mer Rouge, pouvait réunir désormais une armée inférieure en nombre, disait-on, à celle du Ras, mais redoutable à cause de la quantité de ses armes à feu. Il protestait, il est vrai, de son obédience au Ras Ali, lui envoyait des présents, mais trouvait des prétextes pour se dispenser de faire à Dabra Tabor la visite annuelle de rigueur pour tout vassal ; il s’attachait à capter par ses soins et ses libéralités la Waïzoro Manann et les membres du conseil de régence ; il entretenait des intelligences avec Ali Farès, le Dedjadj Conefo et d’autres feudataires de son Suzerain, et il les excitait à la rébellion contre cette maison de Gouksa qui, disait-il, finirait par réduire l’Éthiopie à l’Islamisme.

Cependant, l’opinion que le Ras allait prendre