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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

personne lui faire hommage de mon cheval. Allez, mes frères, et dites-lui l’état où vous me voyez.

Le Ras ne voulait pas attendre au lendemain ; mais l’adroit Méred lui représenta si vivement l’indisposition de son maître, la satisfaction qu’il éprouverait à lui offrir son présent en personne, et il le cajola enfin si bien, qu’il obtint le délai demandé et le laissa même de belle humeur.

Craignant l’indiscrétion des gens de sa maison, parmi lesquels il pouvait se trouver quelque espion du Ras, Birro contrefit le malade toute la nuit. Le lendemain matin, il admit ses gens à déjeuner, parla de son bon suzerain Ali, de Dempto, du successeur qu’il devait lui donner, et, dans l’après-midi, il se présenta, vêtu d’une toge de cérémonie, à la porte du Ras, avec la pensée de gagner du temps, pendant qu’il ferait agir sa belle-mère.

Quel que soit le rang qu’on occupe, à moins de jouir des petites entrées, il est d’usage d’attendre qu’un huissier vous annonce et vous introduise. Birro voulut pénétrer tout d’abord ; les huissiers, agacés par son arrogance ou pressentant peut-être sa disgrâce d’après des bruits de l’intérieur, le repoussèrent de la main, et, d’une façon ou d’autre, sa toge se trouva déchirée. Birro se retira dans un état d’irritation d’autant plus grande que les nombreux seigneurs, rassemblés dans la cour, s’entreregardaient en souriant de sa déconvenue. Il envoya prévenir sa belle-mère de l’affront public qu’il venait de subir, et celle-ci, pour couvrir cet échec et montrer qu’elle improuvait la conduite de son fils, improvisa un banquet dont Birro eut tous les honneurs. De son côté, le Ras Ali affecta de réunir pour une collation des seigneurs qu’on savait hos-