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DANS LA HAUTE-ÉTHIOPIE

Ou bien :

« En voilà assez ; rimailleur, allumeur de combats ! Vois-nous faire seulement et garde bien les servantes ! »

Le Dedjazmatch était encore assis sur son alga à la porte de la tente ; il parcourait d’un regard préoccupé les lignes de ses troupes, la position de l’ennemi et les terrains intermédiaires. Devant lui, une trentaine de chefs, debout, appuyés sur leurs javelines et les yeux suspendus aux siens, attendaient ses derniers ordres. Les gouttes de sueur qui, malgré la fraîcheur de l’air, perlaient sur son front, donnaient à connaître sa violente contention d’esprit ; néanmoins, comme toujours, sa contenance était digne et mesurée. Ymer Sahalou vint le prévenir que l’ennemi s’établissait en force sur notre gauche, à couvert d’un bois ; et au moment de repartir, il me fit signe d’approcher :

— Tu es seul, dit-il, viens te ranger avec moi ; mais préviens Monseigneur.

Je passai derrière l’alga ; le Prince ne m’entendit pas, et je me permis de lui toucher le coude. Il se retourna en fronçant le sourcil, mais il me dit en souriant et avec le calme d’un entretien ordinaire :

— Non, tu resteras avec moi ; n’est-ce pas le moment de me garder ?

Et d’un signe de tête il congédia Ymer, qui repartit au galop en disant : « Que Notre-Dame nous réunisse ce soir ! »

Il pouvait être deux heures après midi ; le soleil était radieux, le ciel sans nuage, l’air embaumé, et la campagne toute souriante, en fête du printemps.

Nos phalanges désormais au complet s’avancèrent en masse à une centaine de mètres plus loin, et s’alignèrent au pied d’une montée parsemée de buissons et